Au Maroc, des centaines de manifestants de cadres supérieurs au chômage (Docteurs, Ingénieurs, Titulaires de DESA, DESS, et Master) occupaient d’une manière quotidienne depuis les années 90 les rues de la capitale Rabat et plus particulièrement le boulevard Mohamed V devant le siège de l’institution législative. Leur occupation de l’espace publique s’est intensifiée il y a à peu près une dizaine de jours pour contester la façon par laquelle le gouvernement à procéder au traitement de leur dossier après qu’il s’est avéré que des groupes fantômes ont été préférés à ceux qui se mettaient à revendiquer leur droit au travail sur les rues de la capitale depuis longtemps.
Par ce genre de traitement non équitable et non transparent, le gouvernement a démontré combien il n’est plus digne de confiance et que la légitimité de ses engagements est loin d’être vérifiable. Au lieu d’avoir le courage politique nécessaire à respecter ses formulations et de mettre en œuvres ses slogans en matière de l’emploi, brandis en période électorale et prévoyant la création de 1.300.000 nouveaux emplois en cinq ans, nous avons vu comment le gouvernement a su manier son échec par l’adoption d’un double discours. D’un côté, il ne cessait d’affirmer et de rappeler, et à plusieurs occasions, qu’il s’est engagé, sur le plan de l’emploi, à accorder aux cadres supérieurs au chômage l’équivalent de 10 % des postes d’emploi crée lors de chaque nouvelle loi financière. Alors que d’un autre côté, quand il s’agit de concrétiser la promesse de 10% dont il s’agit, le gouvernement a fait preuve comme d’habitude du manque d’une réelle volonté politique à l’égard du dossier de l’insertion des cadres supérieurs au chômage au sein de la fonction publique. Car, comment expliquer que parmi les 24000 postes d’emploi crée pour l’année en cours 2010, seuls 1100 postes environ seront la part des cadres supérieurs au chômage ? Le chiffre en question est loin d’être à la hauteur des propos officiellement tenus, qui avaient envisagé préserver 2400 postes pour les cadres supérieurs au chômage par respect de la promesse de 10% précitée. Il est de même dérisoire par rapport au nombre de cadres supérieurs, adhérents au mouvement protestataire présent sur Rabat, qui s’élève à environ de 2600 cadres partagés sur 11 groupes.
Quelle horreur est de voir des jeunes hautement diplômés, dont le pays a vraiment besoin pour sortir de la pauvreté et la dépendance, entrain de se calciner et de tenter le suicide rien que pour faire savoir à la classe politique, obsolète et handicapée, qu’il y a dans ce pays quelque chose que l’on appelle une injustice sociale protégée et entretenue par une tyrannie politique ! Quel désarroi est de voir une politique officielle orientant les richesses du pays vers un horrible gaspillage systématique: des détournements d’argent public à coup de milliard de dirhams, des budgets colossaux pour des festivals (mawazin par exemple) inopportuns et inutiles, des salaires étranges pour une minorité de privilégiés (à titre d’exemple : environ 260 millions de centimes pour le prochain entraîneur d’équipe de foot nationale), des projets faramineux consommateurs de gigantesques fortunes, et qui sont loin d’être considérés parmi les priorités de pays pauvres d’après les experts: un pays comme le Maroc doit d’abord s’investir dans son capital humain avant de bâtir les autoroutes et les chemins de fer des TGV. Lutter contre l’analphabétisme, contre la pauvreté, contre l’échec scolaire et contre le chômage, consolider et moderniser le service public, instaurer un système politique démocratique et une culture des droits de l’homme, promouvoir une économie du savoir et une réelle indépendance à l’égard des institutions financières internationales sont, entre autres, les priorités qui doivent constituer le socle du tout programme politique sérieux voué à mettre le pays sur la bonne voie de développement.
Si rien de tout cela n’est pris en considération et si les tenants du pouvoir persistent dans leur illusion politique qui consiste à considérer le fait de renforcer l’appareil sécuritaire et fortifier les forces de l’ordre comme l’unique moyen qui pourrait maintenir la société en l’état de stabilité. Un gigantesque iceberg d’instabilité sociale risquerait d'entraîner de plus en plus de franges sociales au cours de sa formation et dont le mouvement des cadres supérieurs au chômage ne constitue que sa partie apparente. Une fois le réchauffement du climat social par la prolifération de la misère et l’accroissement de la pauvreté des masses populaires atteint un point de non retour, l’iceberg en question s’effondra et se transformera en un tsunami de colère sociale dévastateur, et ce, du moment où l’on sait que l’individu humilié et appauvrit n’arrive plus à faire la différence ni entre la vie et la mort ni entre la liberté et la prison. Les signes de cette colère sociale ne cessent de se manifester en public, de manière quotidienne, devant l’institution législative par des formes de lutte inquiétantes menées par le mouvement des cadres supérieurs au chômage. L’évènement tragique de la mise du feu au corps de l’un parmi les manifestants, ayant secoué la conscience publique nationale et internationale, est une preuve tangible d’une société hautement exposée au risque d’explosion.