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vendredi 26 novembre 2010

L’Equation de l’Etat de droit 
Par Abdellah AHOUACH

D’après la philosophie du contrat social, un Etat de droit n’est digne d’être considéré comme tel que s’il est en mesure de garantir à chacun la possibilité d’accès à ses droits tels qu’ils sont définis et reconnus par la constitution du pays. A défaut, il risque de perdre son caractère démocratique et de se transformer en une simple autorité entre les mains d’une minorité qui la manie à fin d’imposer leur manière de voir et de contraindre la majorité à accepter de subir dans le silence les conséquences néfastes de l’absence du droit.

Le fléau du chômage rongeant de façon chronique les sociétés du tiers-monde en raison de son aptitude à dévaloriser l’individu et le contraindre ainsi à advenir un élément nuisible pour l’espace social ne serait ce que par sa tendance à succomber au fatalisme et à se montrer résigné face à l’injustice sociale subite, n’est qu’un indice, parmi d’autres, de cette déliquescence ahurissante dans les fonctions légitimes de l’Etat. Dans un tel contexte, ce dernier a complètement faillit à son devoir d’assurer  les conditions socio-économiques favorables à l’émergence d’une société juste et solidaire où font prime les notions de citoyenneté et des droits de l’homme tel quels sont ratifiés universellement.

Cette faillite dont les conséquences en terme de souffrance humaine sont lourdes est due d’autant plus à l’état intrinsèque des sociétés qu’aux effets des facteurs qui leurs sont extrinsèques. De ce fait, une telle faillite ne peut être attribuée exclusivement au poids de 500 ans d’un colonialisme ayant pillé sans merci les richesses des colonies et vandalisé d’une façon sauvage le milieu de vie des hommes. En effet, ceux qui oeuvrent pour responsabiliser uniquement le colonialisme, pourtant condamné, tentent à occulter, dans une certaine mesure, les causes internes de ce flagrant échec de l’élite locale à mettre en place les fondements d’une justice sociale pérenne et d’un système politique démocratique voué à respecter la pluralité des voix, des choix et des tendances. Ainsi, à être en mesure de répartir les richesses et le pouvoir de façon équitable. Et ce, afin de prévenir la société contre d’éventuels incidences et troubles sociaux qui seront inévitables si la sphère de la misère continue de prendre de l’ampleur et à étendre ses tentacules vers des franges sociales de plus en plus fragilisées par un  chômage et une pauvreté gravissimes.

Au tiers-monde, une grande part de l’échec de l’établissement de véritables Etats démocratique est relative à l’état d’esprit patriarcal de l’homme politique en tête du pouvoir. Celui-ci en considérant l’Etat comme étant sa propriété privée à la manière des seigneurs féodales du moyen âge qui possédèrent et les terres et les hommes, ne fait que dépouiller l’Etat de ses fonctions naturelles et le transformer, ainsi, en un pouvoir autoritaire utile à dicter sa domination  au reste de la population et à continuer à pendre en otage les ressources et les biens du pays pour son propre compte et celui de la junte qui l’entoure. Ce faisant, l’homme politique en question a tué toute possibilité d’émergence d’une autre culture politique de nature à renoncer à la mentalité du féodalisme qui nie l’homme et à renouer avec l’esprit de la modernité dont le but est de réinventer l’homme de façon à ce qu’il soit libre à se repenser et à se déterminer pour pouvoir ensuite se libérer de toutes sortes de forces sociales cherchant à le réduire en un simple appendice aliéné, maniable et assujetti. 

N’ayant toujours pas pu se dépolluer de cette espèce d’idée archaïque de nature féodale qui a contaminé leur tête suite aux effets d’une ingestion non réfléchie d’une culture sclérosée et obsolète et d’un endoctrinement religieux, réfractaires à la notion de l’évolution dans le sens du respect des droits de l’homme tel quels sont ratifiés par la communauté internationale, les dirigeants politiques au tiers-monde continuent de perpétuer les conditions de reproduction d’une société injuste où la notion de l’Etat de droit fait défaut. Et, au lieu d’avoir le courage politique et moral requises pour procéder à une autocritique sérieuse de leur comportement politique et de leur manière de concevoir la société et les Hommes,  les tenants du pouvoir, habités par le sentiment de supériorité et d’arrogance, cherchent plutôt à se maintenir au pouvoir et à renforcer davantage leur suprématie. A cet effet, le recours à la force de la violence s’est révélé l’outil le plus efficace pour des hommes politiques de mentalité dépassée par le temps, et qui sont pour ce fait bons pour être conservés en momies dans des musés pour créatures historiques des temps du jurassiques, l’ère des mastodontes  qui dominaient la terre au fait de la férocité de leur musculature robuste.

Dans de telles sociétés si injustes suite à l’absence de l’Etat de droit, les maux sociaux de toutes sortes ne peuvent que s’intensifier davantage à tel point que la société advienne incapable de ne plus assurer son rôle de tampon, et ce en raison du délitement irréversible de ses propres mécanismes d’atténuation des chocs dus au malaise social enrôlant de plus en plus d’individus en situation précaire. À cet instant précis, et si l’homme politique continu d’ignorer le cri d’une population si fragilisée et si appauvrie, l’effondrement social deviendrait inéluctable, et le prix à payer pour rétablir la situation sera fort et coûteux. Ainsi, et pour prévenir le chaos social, il est indispensable de se mettre à forger une nouvelle conscience qui refuse la résignation au silence en poussant et incitant les esprits à se libérer de cette espèce d’attitude passive à l’égard des événements qui façonnaient notre environnement, et ce pour réinvestir le champ social et intellectuel par un engagement actif et productif en matière d’idées et de projets sociaux centrés sur l’Homme. Ce type d’engagement qui promeut la revivification du sens de l’humanité en l’Homme et la réintégration du sens de la justice dans le monde, ne peut être mené efficacement que dans le cadre d’un partenariat entre tous les acteurs sociaux dans une sorte de front social universel contre la paupérisation, le chômage, l’analphabétisme, la maladie, la malnutrition, la pollution, l’absence de libertés essentielles, la corruption, l’hégémonie, l’occupation, la dictature, la faim…etc.

Seul par notre participation active nous pouvons contribuer à l’émergence de la démocratie et uniquement par notre négligence nous parvenons à fortifier la tyrannie, car ne vous rendiez vous pas compte que le silence, la paresse intellectuelle et la passivité sociale  des dominés exploités fait la force des dominants exploiteurs ?!