jeudi 21 janvier 2010
Bref esquisse sur l’histoire d’un cadre supérieur au chômage
Né dans les fins fonds de l'anti-atlas dans une région rurale reculée et pauvre en matière d'infrastructures de base indispensables. Malgré la beauté du paysage naturel et la richesse culturelle caractérisant l'environnement local, les conditions naturelles régnantes sont rudes et difficiles. Pour y survivre, les autochtones s'étaient obligés depuis l'aube des temps de mener une vie austère, heureusement adoucie par une formidable solidarité sociale qui faisait partie de la culture locale. Dans de telles conditions, un enfant qui arrive à s'échapper à l'analphabétisme, par son intégration dans l'école publique, est considéré comme une exception quand l'absence de moyens contraint tant d'autres à subir l'exclusion scolaire, ainsi à succomber à l’illettrisme et l’ignorance, les deux fléaux qui faisaient des ravages parmi les autochtones. En défiant l'obstacle de la pauvreté grâce aux sacrifices de sa famille qui préférait renoncer à plusieurs impératifs de la vie quotidienne, l'enfant se retrouvait confronter à plusieurs autres jalons au cours de son périple scolaire et universitaire. Il devait supporter la vie loin de ses parents à une âge très précoce (à 10 ans) dans des cantines où l'on traitaient les enfants comme des militaires on leur faisant endurer un quotidien très rigoureux et, par ce fait, loin de susciter l'appétit des enfants à continuer leurs études; beaucoup d'entre eux ont fini sous le poids de ce traitement draconien par quitter l'école en conséquence.
A l'âge de 14 ans environs, d'autres types de défis commençaient à perturber son parcours. Toujours loin du foyer familial, l'adolescent avait été obligé de comprendre que le peu de moyens dont il disposait ne pouvaient pas couvrir et l'intégralité des frais de ses études et les besoins de quelqu'un de son âge. En dépit de sentiment d'humiliation éprouvé suite à ceci, l'adolescent arrivait pourtant à franchir le cap des études secondaires en raison des mécanismes d'adaptation qu'il avait su développer pour adoucir l'impact de la précarité sur sa scolarisation.
Devenu étudiant, de plus en plus conscient de l'importance des études dans le processus de la libération de l'individu agonisant sous le joug de la carence et des sociétés gémissantes sous l'emprise de sous-développement, sa résolution était ferme quant au décrochage d'un diplôme qui pourrait lui permettre de corriger non plus seulement la condition sociale de sa petite famille mais d’advenir un acteur social préoccupé par l’intérêt général de son pays et par le sort d’une humanité qui continu à subir le pire sous l’offensive d’un néo-libéralisme farouche. Doté d’un tel état d’esprit, d’une effervescence intellectuelle très dynamique et d’une conscience suffisamment et ardemment élaborée durant son parcours universitaire, l’étudiant, depuis qu’il a quitté son village natal à la recherche de la science, n’a toujours pas le pouvoir de s’arracher à la misère qui le côtoyait et de mettre, en conséquence, un terme à sa marginalisation sociale. Le montant dérisoire de la bourse qui lui était offerte suscitait en lui des sentiments avilissants au point de se laisser croire que la quête de la science n’est plus la bonne voie à emprunter pour se réaliser socialement dans une société qui ne sait pas encore comment honorer ses enfants les plus courageux. 450 dh/mois était le montant versé par l’état à l’étudiant : à votre avis, pouvait-il servir à quelque chose si on le compare avec le coût réel des études supérieurs ?
Dans un pays comme le Maroc où les coûts de la vie sont devenus de plus en plus insupportables par les franges sociales les plus fragiles, avec une telle bourse on ne pouvait ni payer le loyer, ni manger ou se faire soigner correctement, ni se faire payer des livres et non plus de participer aux congrès et séminaires scientifiques…etc. Cependant, la ferveur, de se voir un jour advenir être humain non aliéné et inaliénable que ce soit matériellement ou intellectuellement, qui l’habitait depuis long temps, vienne redynamiser sa motivation et rehausser sa détermination à continuer sa lutte et sa résistance quel que soit le prix à payer puisque c’est sa liberté et sa dignité ainsi que celles de ses concitoyens et de ses semblables de part le monde qui sont mises en jeu ; encore une fois, il n’avait pas d’autres choix que de continuer à s’adapter aux durs conditions socio-économiques de sa vie estudiantine. A cet effet, ses dépenses étaient très limitées et ses besoins étaient réduits à l’essentiel de façon drastique.
Après avoir achevé avec succès son cursus universitaire, le diplômé, envahit par une certaine réjouissance, a eu l’impression de fouir définitivement l’emprise d’un darwinisme social qui lui avait fait subir une rude sélection sociale dans un environnement inhospitalié aux classes sociales affaiblies de façon systématique, et ce par des politiques qui fonctionnaient uniquement au profit d’une minorité de nantis. Très vite, sous le choc du chômage, il s’est rendu compte que son impression n’était qu’un leurre, et que son ambition de trouver un emploi digne afin de sortir du ghetto de la pénurie et d’advenir, par ce fait, un citoyen actif et porteur de projets sociaux se heurte de nouveau à l’obstacle du clientélisme et de coups de piston. Suite à ce fait, l’accès au travail est devenu un privilège au lieu d’être considéré comme un droit accessible pour tous le monde et, plus particulièrement pour les bien-formés qui sont censés être le levier pour le développement du pays.
Devant cette situation et à la lumière de son expérience, le cadre au chômage a su forger une véritable prise de conscience sur le fait qu’aucun droit ne peut être atteint, dans un monde déréglementé où l’équité sociale est loin d’être établit et où les droits de l’homme sont bafoués systématiquement, que par l’unique voie d’engagement dans une lutte collective et pacifique, mais d’une façon déterminée et ferme. Ainsi, le fait de rejoindre le mouvement de revendication des cadres supérieurs au chômage est pour lui une question de principe et non pas une simple action de réclamation du travail qui s’estompera une fois le but atteint. Il croit fermement que sa vocation d’être humain consiste à être parmi celles et ceux qui ont voués leurs énergies, leur temps et leurs biens à la réalisation d’un monde de paix et de justice où les guerres, les famines, l’ignorance, le chômage, la tyrannie, la pauvreté et toutes sortes d’atrocités sont bannies. Telle est la vocation de homme libre, universel et responsable, exalté par le philosophe Roger Garaudy qui disait dans son livre le terrorisme occidental : « le monde est devenu mon corps : j’ai mal au Congo de Mobutu, au Chili de Pinochet, à la Palestine violée. »
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