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dimanche 21 février 2010

Le chômage, n'est-il pas un moyen de domination ?
Par AHOUACH Abdellah



Depuis l'antiquité, les dominants, afin de rendre durable leur domination et empêcher toute tentative de révolte des dominés, inventaient plusieurs ruses. La terre brûlée, l'esclavagisme, la terreur, la famine, la purification ethnique, la manipulation de la religion sont les plus sollicitées. De nos jours, d'autres techniques plus subtiles et plus compatibles à l'organisation de la société moderne, viennent s'ajouter à la liste des manœuvres utilisées pour dompter les opprimés et contrôler leur dynamique voir même leur manière de penser et de se comporter. Le chômage est l'une parmi d'autres de ce genre de techniques modernes. Comment fonctionne t-elle donc cette domination ?

Selon la célèbre citation diviser pour régner, le chômage s'est révélé être un parfait moyen capable de mettre à mal la cohésion sociale, et permet par ce fait la disparition de toute possibilité de résistance à la volonté des dominants. La maladie et le désarroi psychologique qui apparaissent chez les chômeurs sont parmi les manifestations de cette désagrégation du tissu social du fait de leur pouvoir à pousser l'individu à adopter des comportements nocifs au concept de la cohésion sociale.

D'après une étude réalisée par l'INSEE et une autre par INSER en France, les effets du chômage sur la santé du chômeur sont multiples. Ils sont de nature psychologique et biologique. Les résultats obtenus après plusieurs séries d'enquêtes et de sondages, menées depuis les années 70, sont révélateurs. Ils ont mis en évidence une parfaite corrélation entre le chômage et le mal être psycho-biologique du chômeur.
Sur le plan biologique, les effets varient entre la simple apparition de certaines maladies chez les sujets comme le diabète, cancer, problèmes cardiaques, affections ostéo-articulaires, et le décès. Les conclusions des travaux de l'INSEE soulignent que le risque de décès d'un non actif depuis au moins 5 ans est environ trois fois plus élevé que celui d'un actif au travail.
Sur le plan psychologique, le touché par le chômage, par son adoption des comportements à risque sur la santé, résultants de l'isolement et de la perte de l'estime de soi, souffre d'un désarroi psychologique intense qui se manifeste sous diverses formes: insomnies, sensation sous pression, dépression et perte de confiance en soi.

Malades et déstabilisés psychologiquement, les chômeurs malgré leur nombre colossale se montrent incapables de se déterminer entant qu'individus ayant des droits et de s'engager pleinement dans une action sociale qui aura pour vocation l'instauration d'une société dépourvue de contradictions sociales, issues de la concentration du pouvoir et de richesses entre les mains des dominants. Ce fait est dû à cette espèce de perte de confiance et d'estime de soi qui les habitait. Ainsi, ils préfèrent se recroqueviller sur leur univers personnel dans le silence et l'indifférence à l'égard des événements qui secouent leur environnement. Par cette attitude de repli des chômeurs, la mobilisation d'une grande partie des masses populaires se retrouve inhiber et paralyser, ce qui fortifie davantage le pouvoir des dominants.

Malgré cet handicape, sur le plan social, en raison de leur présent précaire et de leur future incertain, les laissés sous la merci du chômage constituent un potentiel réservoir de combustibles susceptibles d'alimenter toute sorte de violences sociales, que ce soit raciales, religieuses, domestiques, interpersonnelles, ou intergroupales…. Pour mieux élucider ce point de vue, la compréhension des origines du phénomène historique du terrorisme est déterminante. Si l'on croit les chercheurs qui s'intéressent aux questions relatives à la dynamique des sociétés, le terrorisme n'apparaît dans une société que quand celle-ci échoue l'opération d'intégration de ses membres du fait des politiques injustes socialement. Roger GARAUDY, François BURGAT, Olivier ROY, Vincent GEISER, Mehdi MENDJRA, Jean ZIGLER, Abdelwahab ELMASSIRI et tant d'autres s'accordent à dire que la violence du terrorisme, quelque soit sa matrice idéologique, n'est qu'une conséquence logique des violences économiques, entretenues le plus souvent à des fins politiques, que subissent les masses appauvries.

Nelson Mandela a très bien raison quand il évoquait lors de ses négociations avec le gouvernement sud-africain en vue d’arrêter la violence : « Je répondais que l’Etat était responsable de la violence et que c’est toujours l’oppresseur, non l’opprimé, qui détermine la forme de la lutte. Si l’oppresseur utilise la violence, l’opprimé n’aura pas d’autre choix que de répondre par la violence. Dans notre cas, ce n’était qu’une forme de légitime défense. » (Nelson Mandela, Un long chemin vers la liberté, Livre de poche, p. 647.)

On ne cherche pas par ici à légitimer le recours à la violence pour contester l'ordre établi par le système néolibéral, dominant à l'échelle mondiale. Mais pour dénoncer cette stratégie morbide des dominants qui consiste à provoquer les dominés à réagir violemment en vue de trouver un prétexte justifiant leur culpabilisation; par ce jeu malsain les victimes du système deviennent coupables tandis que les bourreaux se mettent en position de juge. Ainsi, grâce à ce type de stratagème, les dominants, par leur pouvoir d'influence sur l'opinion publique suite au monopole des médias qu'ils possèdent, arrivent à convaincre le législateur à promulguer des lois dites anti-terroristes. Par ce type de procédures législatives, les libertés sont restreignes, les pensées sont censurées et les comportement sont contrôlés. Ce qui étouffe toute possibilité de libération des masses opprimées et renforce par conséquent le pouvoir des dominants oppresseurs.

D'une façon générale, l'apparition d'un chômage de masse partout dans le monde n'est pas un hasard. D'après les logiques du fonctionnement du système néolibéral qui mettent plus de 80 % des richesses mondiales à la disposition de 20 % de la population du monde, le facteur chômage est l'un parmi les plus redoutables mécanismes qui sert à rendre les masses plus dociles et plus enclins à accepter le statut quo, produit par les dominants et leurs acolytes.